Un employeur peut-il intervenir concernant des faits relevant de la vie amoureuse et donc privée d’un salarié et quelles sont les limites d’une telle intervention ? Un arrêt récent de la Cour de cassation du 26 mars 2025 a répondu à ces questions.

Un salarié qui occupait le poste de directeur des partenariats et des relations institutionnelles, poste impliquant  une position hiérarchique élevée avait eu une relation amoureuse avec une collaboratrice de la société, aide-comptable. Cette relation  avait été nouée en dehors du lieu de travail. Bien qu’occupant une position hiérarchique moindre, la collaboratrice n’était pas sous la subordination directe du salarié.

A la suite de la rupture de leur relation, le salarié a contacté la collaboratrice (lui envoyant notamment de très nombreux messages sur sa boîte professionnelle et faisant valoir sa qualité de membre du comité de direction) afin d’obtenir des explications sur cette rupture. La collaboratrice a alors répondu qu’elle souhaitait en rester à une relation strictement professionnelle, cette situation ayant généré une forte souffrance au travail.

Par la suite la société a licencié le salarié pour faute grave, pour avoir adopté un comportement déplacé à l’égard de sa collègue, considérant que le salarié avait manqué à son obligation de sécurité, et ce même si les faits relevaient de sa vie privée.

La Cour de cassation a indiqué que le comportement du salarié, fondé sur une tentative de renouer une relation amoureuse malgré le refus explicite de sa collègue de poursuivre une relation personnelle, avait créé un environnement de travail hostile et nuisible pour la santé mentale de cette dernière.

Elle en a conclu que l’attitude du salarié constituait un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités, et qu’une telle attitude, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’une salariée, rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise.

Dans sa décision, la Cour de cassation a indiqué ce qui suit :

  • un motif tiré de la vie personnelle d’un salarié ne peut pas en principe justifier un licenciement disciplinaire à moins qu’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail.
  • aux termes de l’article L. 4122-1 du code du travail, tout salarié doit prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles de ses collègues et autres personnes se trouvant en sa présence sur son lieu de travail, et ce, en fonction de sa formation et de ses possibilités.

L’employeur, ayant été alerté par le médecin du travail et la manager de la salariée sur la situation de mal être au travail de cette dernière, a pu déduire que le comportement, sur le lieu et le temps du travail, du salarié dans une position hiérarchique élevée, dans le but d’obtenir une explication en raison d’un possible dépit amoureux ou aux fins d’entretenir une relation malgré le refus clairement opposé par une collaboratrice, peu important qu’elle ne soit pas sous sa subordination directe, constituait un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités et qu’une telle attitude, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’une autre salariée, rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise.

Cet arrêt est intéressant notamment sur les points suivants :

  • Pour fonder un licenciement pour faute grave, il n’était pas nécessaire de qualifier le comportement du salarié de harcèlement dans la lettre de licenciement, la juridiction conservant la possibilité d’apprécier la qualification des faits énoncés dans la lettre de licenciement pour dire s’ils constituaient ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
  • Cet arrêt illustre à quel point la prise en compte des risques psychosociaux dans l’entreprise est un sujet central aujourd’hui, avec une quasi-immixtion de l’employeur dans la vie privée de ses salariés.
  • Enfin et dans la même logique, cette décision marque un élargissement de l’appréciation de l’obligation de sécurité au-delà du seul environnement professionnel, puisque dans le cas d’espèce les faits incriminés trouvaient leur origine dans la vie privée des salariés. Néanmoins, la limite au respect de la vie privée se trouve dans l’atteinte à la santé ou à la sécurité des autres salariés et donc au non-respect de l’obligation de sécurité.