Que l’on pense aux Panama Papers, à WikiLeaks ou au Watergate, les lanceurs d’alerte  jouent un rôle essentiel dans la divulgation de la corruption et des abus de confiance du public. Voilà pourquoi de si nombreux pays se sont dotés de lois pour protéger les lanceurs d’alerte. Sauf le Canada.

Les lois canadiennes en la matière ont essuyé de sévères critiques de la part de chiens de garde internationaux. Ce billet se penche sur les mesures de protection existantes et la façon dont elles pourraient évoluer.

Quelle législation protège les lanceurs d’alerte au Canada?

Les lois du Canada visent à protéger les employés du secteur public. Les mesures de protection des employés du secteur privé ou du public en général sont restreintes et confinées à des types particuliers de dénonciation.

La principale loi fédérale est la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles[1] (LPFDAR); elle permet aux employés du secteur public de communiquer des renseignements sur des actes répréhensibles au Commissaire à l’intégrité du secteur public ou, parfois, au public. La LPFDAR interdit les représailles contre les divulgateurs d’actes répréhensibles et octroie au Commissaire le pouvoir de geler les sanctions disciplinaires et de mener des investigations. Si un divulgateur est menacé de représailles, un tribunal composé de juges de la Cour fédérale peut octroyer une mesure de réparation et/ou une sanction disciplinaire aux responsables des représailles.

La Loi sur la concurrence interdit aux employeurs d’imposer des sanctions disciplinaires contre des employés qui, de bonne foi, divulguent des violations en matière de concurrence au Commissaire à la concurrence[2]. Le Code criminel renferme également des mesures de protection pour les employés face à des employeurs dans certaines circonstances[3].

Certaines provinces ont adopté des lois de protection des lanceurs d’alerte. En Ontario, la Loi de 2006 sur la fonction publique de l’Ontario a des effets semblables à la LPFDAR en ce qui concerne la protection des employés de la fonction publique. Par contre, les lanceurs d’alerte du secteur privé disposent de mesures de protection plus limitées, comme la Loi sur la santé et la sécurité au travail qui interdit aux employeurs d’imposer des sanctions disciplinaires à un employé, en raison du fait que le travailleur « a cherché à faire respecter » la Loi sur la santé et la sécurité au travail[4]. D’autres protections sont propres à un secteur donné, comme la Loi sur les valeurs mobilières, qui interdit les représailles contre quiconque fournit des renseignements sur un acte qui est contraire à la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario[5].

Les critiques

Malgré cela, le Canada a été la cible de nombreuses critiques. Le Government Accountability Project a annoncé que les protections canadiennes pour les divulgateurs étaient parmi les plus faibles au monde, à égalité avec le Liban et la Norvège. Le Project a été particulièrement critique du fait que seulement huit affaires de représailles ont été entendues par le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, bien que la LPFDAR soit en vigueur depuis 17 ans.

Le Centre for Free Expression de la Toronto Metropolitan University a exprimé des préoccupations semblables en ce qui concerne la portée étroite des lois canadiennes, la probabilité que la plupart des plaintes soient rejetées  et le fait que le processus en entier « est entouré d’un secret impénétrable »[6].

Transparency International Canada demande une mise à jour du cadre canadien existant, arguant le manque de protection pour les lanceurs d’alerte des secteurs public et privé, et le fait que le processus soit axé sur le traitement des plaintes plutôt que sur la protection des lanceurs d’alerte[7].

Qu’est-ce qui attend les lanceurs d’alerte?

En dépit des demandes de réforme, le changement ne viendra probablement pas du palier fédéral – à tout le moins pour le moment. Le Cabinet du premier ministre estime que l’analyse du Global Accountability Project était inexacte, car elle n’avait pas tenu compte des lois provinciales et municipales[8].

Donc, nous devrions plutôt nous attendre à ce que les prochains faits nouveaux nous parviennent des paliers provinciaux. De fait, le gouvernement de la Colombie-Britannique élargit la portée de sa loi intitulée Public Interest Disclosure Act afin de couvrir davantage de tribunaux et d’agences, ainsi que les autorités de la santé publique, les enseignants et les administrations scolaires, de même que les sociétés de la Couronne[9]. L’Ontario a aussi étendu les protections pour les divulgateurs afin de couvrir particulièrement le secteur des régimes de retraite par l’entremise de la Loi de 2016 sur l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers. D’autres faits nouveaux touchant la protection des lanceurs d’alerte continueront probablement de voir le jour en pièces détachées, ciblant des secteurs précis.

L’auteur désire remercier Alexander Carden, stagiaire, pour son aide dans la préparation de ce billet.

[1] CS 2005, c 46.

[2] LRC 1985, c C-34, a, 66.1, 66.2.

[3] Le Code criminel interdit à un employeur d’imposer des sanctions disciplinaires à un employé afin de l’empêcher de sonner l’alarme ou d’exercer des représailles contre un divulgateur. Toutefois, ces dispositions se limitent à des renseignements en lien avec une infraction en violation des lois fédérales ou provinciales, LRC 1985, c C-46, a 425.1.

[4] L.R.O. 1990, c O.1, a 50.

[5] L.R.O. 1990, c S.5, a 121.5(1).

[6] What’s Wrong With The PSDPA (ryerson.ca)

[7] Enhancing Whistleblower Protection | Open Government, Government of Canada

[8] W5 investigates Canada’s whistleblower protections (ctvnews.ca)

[9] Province expands whistleblower protections to public sector | BC Gov News